J'ouvris les yeux, un moment que j'adorais et que je savourais, ce moment où mes yeux fixèrent ce plafond et cette toute petite chambre, ce moment où mes yeux ne fixèrent plus ma grande chambre à Portland, ce moment où je me rendais réellement compte de ma liberté, ce moment je le savourais toujours de longues minutes.
Je sortis finalement de mon lit à 9H44 et après m'être habillée en conséquence, m'en allai faire un jogging. Les écouteurs aux oreilles, et les baskets aux pieds, j'étais prête. J'adorais courir, c'était relaxant et tonifiant, mieux qu'un café, mieux que de l'héroïne, j'en avais besoin pour passer une bonne journée.
Je me plaisais souvent à examiner les étudiants; la maison des PPP sans signe de vie, encore endormie de la soirée de la veille, la maison des KT de même, mais avec de jeunes étudiants étalés sur la pelouse à dormir, la maison des GP réveillée et déjà fraiche, ce que les ZBZ ne sont qu'à moitié, et celles des Iota et Lambda, déjà attelés à leurs passions.
Je revins 45 minutes plus tard, et filai sous ma douche, un de mes autres grands plaisirs; sentir l'eau couler sur tout mon corps, augmenter la chaleur ou la diminuer, rester là, échappée du monde et de ses problèmes. Mais malgré tout j'en sortis 20 minutes plus tard, il approchait alors des 11h. J'ouvris mon armoire et attrapai un mini-short en jean's déchiré ainsi qu'un léger débardeur fleuri et des tropéziennes argentées. J'adorais l'été et le fait de pouvoir sortir pas du tout habillée sans craindre le froid.
Aujourd'hui j'avais rendez-vous avec Evan, c'était mon meilleur ami sur le campus, en restant surtout un protecteur et confident pour moi, je l'adorais. Avec lui, on riait de tout et de rien, avec lui, je me savais en sécurité. Malgré que de plus en plus je voyais en tous les garçons dont j'étais proche un Arthur, un sentiment et une impression que je haïssais et qui m'avait déjà éloignée de plus d'un garçon dont Samuel, un KT drôle et attachant.
Mais avec Evan, je niais cette impression, je l'évitais car de lui je ne pourrais plus m'en éloigner.
Je passai alors dans la salle de bain où je me séchai les cheveux, quand j'étais petite on me disait toujours que j'avais ceux de mon père, ma plus grande fierté. Je les laissai lâchés et me maquillai légèrement avant de partir me prendre un café au Christopher's Coffee.
Le lieu était typique et banal, tout comme le reste de l'université et pourtant cette université était tout sauf typique et banale. Si je l'avais choisie c'était avant tout pour les fraternités mais aussi pour le lieu, j'avais justement adoré cette "banalité" que je n'avais jamais connue.
Je repris alors ma route, mon café à la main, vers la maison des Omega Chi dont Evan était le président.
C'était une belle maison propre, tout comme tous ses habitants, plus polis et riches les uns que les autres, et malgré ça ils étaient tous adorables et gentils. Dès que j'entrai, j'attendis Evan dans le salon, un ami avait été le chercher dans sa chambre.

Le bulbe rachidien, l'hypothalamus, le thalamus, le cervelet et les cinq autres régions du cerveau et leurs nerfs, n'étaient vraiment pas ce qui m'attachaient à la neurochirurgie, moi ce que j'aimais ce n'était pas détecter un cancer et le confier à un chirurgien, suivre un patient sans vraiment le sauver, ce que j'aimais c'était «réparer» ou même ne serait ce que tenter, parce qu'au moins moi j'aurais tout fait pour que le patient ait la chance de vivre la vie entière que mon père n'a jamais eu. Mais ce n'était pas que pour lui que j'avais choisi cette spécialité, il me l'avait fait promettre ce sera pour moi, ce sera ce que j'aimerais faire, être prête à passer des heures en salle d'opération pour donner à quelqu'un plus de temps, plus de joie, voir une légère lueur d'espoir dans les yeux et même si jamais je ne serais Dieu, avec ce rêve-là je peux toujours essayer... Et puis les rêves nourrissent notre vie même si souvent ils la détruisent, comme ils ont détruits mon enfance, mais désormais j'avais tourné la page, désormais j'étais heureuse et plus rien ne pourrait me détruire, éloignée de l'amour, je m'évitais la plus grande des souffrances. Evan lui il ne l'évitait pas, même si je n'étais pas réellement au courant de cette partie-là de sa vie, il restait le président des OCG, tout le monde parlait de lui et de sa relation compliquée avec la dénommée Hope ou encore Chelsea, je ne lui en parlais jamais, mon avis sur la question étant tellement simple et tranché, ça ne l'aiderait pas une seule minute.

« Il arrive petit coeur! » La voix du frère d'Evan me fit revenir à la réalité, je levai les yeux de mon syllabus qui dépassait de mon sac. Les omega chi étaient vraiment les gendres parfaits, ils respiraient la fraicheur et l'enthousiasme pour la plupart, l'envie d'aider et changer les choses, c'étaient ce que j'admirais chez eux, ils perpétuaient la politesse et le savoir vivre à l'université tout en sachant énormément s'amuser. Je remercie le jeune homme et me levai au son de la voix d'Evan « Salut la plus belle ». Je lui souris et m'approchai pour lui faire la bise. « Salut le plus beau des présidents! » « Alors, t'es prête? » J'essayai de comprendre, pas que je n'étais ni prête ni partante, mais simplement que je le connaissais et le sourire qui allait jusqu'à ses oreilles n'était pas un signe de joie à ma vision, mais plus pour une idée qu'il avait derrière la tête et je fus vite éclaircie, du moins plus ou moins « Je te kidnappe pour un week-end. » Je ris, c'était typique lui, j'aurais du m'y attendre, c'était surement pour passer à Virginia Beach « Haha me faire kidnapper par un président Omega Chi? Un honneur! Mais vois-tu, je crains de ne pouvoir abandonner ma maison en tant que bizut et je n'ai toujours pas ma robe pour le bal en plus, je passe! »